La Châtaigneraie

Midi Pyrénées et Auvergne

Lapeyrugue et la vallée du Goul
Lapeyrugue et la vallée du Goul - http://cantal.alliance-reseaux.com

La Châtaigneraie, qui doit son nom à ses châtaigniers, forme un vaste quadrilatère à la pointe sud-ouest de l’Auvergne et du département du Cantal. Elle étend son plateau granitique, ponctuellement schisteux, de la vallée de la Cère et du bassin d’Aurillac, au nord, à la coupure verdoyante de la vallée du Lot, au sud. Les paysages y varient : vertes rondeurs de prés où se glissent des champs de colza, des fermes isolées… Versants boisés de hêtres, chênes, châtaigniers, sapins, aux sous-bois champignonneux à l’odeur de mousse, d’humus, de fougères… ruisseaux aux berges ombragées, au lit doré de pierres…

La haute Châtaigneraie (700 à 800 mètres d’altitude, dont la ligne de faîte s’étire de Montsalvy à La Tronquière via Saint-Mamet) est très accidentée : cams (lanières de plateaux couvertes de landes de fougères et de bruyères), dominés de puechs (buttes), entaillés de vallées, évasées ou en gorges, parfois marécageuses. Les hivers y sont longs, enneigés, les étés chauds, aux soirées fraîchissantes.

La basse Châtaigneraie offre des horizons plus dégagés : prés, boqueteaux. Le bassin sédimentaire de Maurs (la « Riviéra cantalienne »), où s’arrondissent des buttes calcaires boisées aux versants abrupts, soudain s’ensoleille de fleurs, de vignes. Au sud-est, le Veinazès (une demi-douzaine de communes) forme un petit bassin modelé dans un granit altéré, entouré de hautes croupes de micaschistes. Limitée au sud-est par les gorges du Goul, la Châtaigneraie cantalienne attire vers elle le Ségala lotois à l’ouest et déborde sur le département aveyronnais.

Toute cette Auvergne méridionale prend un chaud accent méridional, la tuile concurrence l’ardoise sur les toits des solides maisons aux murs de pierres taillées. Les troupeaux paissant derrière les barbelés en font un pays d’élevage laitier : des vaches (dont la salers), mais aussi des ovins et caprins (autour de Montsalvy). De multiples espèces animales hantent ces vallées. Les fermes, aux murs de moellons de granit hourdés à la chaux, ont conservé leurs éléments, exprimant un art de vivre du quotidien : le cantou (âtre habitable éclairant les veillées, où cuisait le porc), la souillarde (lieu de laiterie, de vaisselle), la grande salle commune avec sa table aux tiroirs profonds, tandis que craquent des coffres, brillent des cuivres, dans le battement du balancier de l’horloge.

Maurs-la-Jolie (jadis spécialisée dans la fabrication du tan et le commerce des châtaignes), ovalisée par un boulevard circulaire reprenant le tracé des remparts, est la capitale de la Châtaigneraie.

Gastronomie

Pour se régaler : jambon sec d’Auvergne (dont jambon de Maurs), saucisson sec et saucisse sèche d’Auvergne, lard, saucisse fraîche, saucisse au couteau, boudin noir, boudin noir aux châtaignes1, pâté, friton d’Auvergne, fricandeau2… tripoux d’Aurillac et tripoux de Maurs (voir à tripoux d’Auvergne), volailles (poulet, pintade, canard de Barbarie), viande bovine (dont celle de vache salers), gibier (sanglier, lièvre, coq de bruyère, perdrix), poissons des rivières (truite, goujon, vairon), écrevisse, champignons (truffe, girolle, cèpe, coulemelle, mousseron), fromages (cantal, cabécou3, brique (vache rond et plat), carré d’Aurillac), tourte de seigle, bourriol, légumes (dont pomme de terre, chou, échalote) et fruits (pomme, prune, myrtille, framboise, melon4, noisette et châtaigne), menthe, miel d’Auvergne.

Spécialités : chou farci, poule farcie, pâté de foie de volaille, coufidou5, potée auvergnate et mourtayrol6, pounti, civet de lièvre, stofinado, truite au lard7, friture de goujons, friture de vairons, truffado (voir truffade), patranque, omelette au lard, omelette aux girolles ou aux cèpes, fricassée de champignons sauvages, soupe aux châtaignes, soupe au chou, salade auvergnate…

Desserts : farinette (voir à pachade), fouace8 (brioche en couronne), tarte aux pruneaux, tarte aux myrtilles, tarte à la tome, milliard aux cerises, croquant d’Auvergne, rocher de Saint-Mamet (cuit à la broche), gâteau de châtaignes.

Douceurs : pâtes de fruits d’Auvergne, confitures de fruits (dont confiture de marron), gelée de fruits.

Boissons et spiritueux : eau-de-vie de gentiane Couderc (voir à gentiane d’Auvergne), liqueur de myrtille, liqueur de framboise, eau-de-vie de prune, prunelle… crèmes de cassis, cerise, mûre, framboise, châtaigne9, noisette, pomme.

Le Ségala lotois, frange occidentale de la Châtaigneraie (dans le département du Lot), dessine une succession de lourdes collines verdoyantes. Ce ségala qui se dit quercynois, glacial l’hiver, frais l’été, présente davantage de similitude avec les croupes cristallines de la Châtaigneraie qu’avec les plateaux dénudés des Causses du Quercy ou la dépression de la Limargue. Le châtaignier prédomine, les ruisseaux abondent et l’on y rencontre des maisons rurales typiques de la Châtaigneraie avec leurs hauts toits d’ardoises percés de lucarnes. Jadis méprisé parce que son pain ne pouvait-être que noir, le Ségala lotois consacre ses prairies naturelles à l’élevage (production de veaux de lait, vendus dans les foires et expédiés vers des terres d’engraissement).
Sousceyrac, ancien bourg fortifié, ne manque pas d’évoquer le roman de Pierre Benoît Le Déjeuner de Sousceyrac.

Le bassin d’Aurillac, entité distincte au nord-est de la Châtaigneraie, s’évase en une large cuvette sédimentaire (marnes blanches, sables, graviers) ondulée, semée de buttes éparses. Ses herbages bien arrosés nourrissent des troupeaux de vaches salers, remplacées peu à peu par un cheptel plus spécifiquement laitier. La basse altitude du bassin permet à des exploitations de taille conséquente de cultiver les céréales (froment, maïs-ensilage). Paradis des pêcheurs, la méandreuse vallée de la Cère (que longe un autorail desservant des gares perdues) ouvre le bassin d’Aurillac vers le Limousin. Au nord de la Cère, le « Cantalès » est cette Châtaigneraie aux collines moutonnées subissant l’attraction montagnarde. Si l’on arrive de la Xaintrie par la nationale d’Argentat, via le Montverdais, l’Aurillacois contraste vigoureusement : toits de tuiles, minces rideaux d’arbres.
Aurillac, préfecture du Cantal, longtemps capitale du parapluie, est close entre ses dômes couverts de tendres pâturages. Au bord de la Jordanne, le vieil Aurillac, assombri de maisons en pierre volcanique, offre une délicieuse rusticité.

1 Voir boudin aux châtaignes (à région Limousin).

2 Boulette de porc haché enveloppée dans une crépine. Voir à fricandeau (région Languedoc-Roussillon) et aussi à caillette (région Rhône-Alpes).

3 Palet cylindrique, très apprécié dans cette Auvergne méridionale, mais dont l’aire de production “tire” surtout du côté du Quercy. Voir cabécou à région Midi-Pyrénées.

4 Précisions sur ce fruit, voir à melon du Quercy (région Midi-Pyrénées).

5 Parfois appelé « confidou ». Sorte de daube de boeuf que l’on retrouve notamment dans le Rouergue. Voir coufidou (à région Midi-Pyrénées)

6 Version rouergate du pot-au-feu, que l’on peut retrouver par ici. Voir mourtayrol à région Midi-Pyrénées.

7 Voir truite au lard à région Limousin.

8 Proche de la fouace aveyronnaise (voir à région Midi-Pyrénées).

9 Le châtaignier, “l’arbre à pain”, qui fut d’une influence considérable dans cette Auvergne méridionale, laissant son nom au pays, est fêté à Mourjou le dernier weekend d’octobre, sous l’égide de la Maison de la Châtaigne. Précisions sur ce fruit, voir à châtaigne du Ségala et du Quercy (région Midi-Pyrénées), châtaigne des Cévennes (région Languedoc-Roussillon) et châtaigne d’Ardèche (région Rhône-Alpes).

Auteur F. Zégierman, relecture Keldélice.

A propos du membre

Frédéric Zégierman Valence (26000)

Frédéric Zégierman a consacré sa vie à sillonner l'Hexagone pour aller chercher sur le terrain sa propre vision géo-ethnographique. Il est l'auteur de livres, de dossiers et d'articles pour magazines. Il réalise également des circuits atypiques pour les autocaristes. Le Guide des Pays de France (volumes Nord et Sud, publiés chez Fayard en 1999) est le premier ouvrage a avoir inventorié, étudié et cartographié l'ensemble de ces unités sous leurs divers aspects.

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