L'estofinado

Midi Pyrénées

Aucun commentaire Catégorie : Spécialité de poisson

Description

Autres appellations : stofinado (en Châtaigneraie auvergnate), stockfisch.

Spécialité pour le moins inattendue centrée sur le bassin houiller rouergat, l’estofinado est un plat mêlant morue séchée réhydratée, pommes de terre, œufs, persil, ail pilé et huile de noix.

Après avoir été laissé à dessaler une demi-douzaine de jours, comme le faisaient les matelots d’antan, le poisson, ramolli, est apprêté, puis coupé et cuit. Émietté, il sera mêlé aux patates bouillies et écrasées grossièrement à la fourchette. Le tout, additionné des autres ingrédients prévus, se servira bien chaud avec des œufs durs, en quartiers ou en rondelles.

Cette sorte de « fausse » brandade de morue (mais « en meilleur » vous diront les Aveyronnais !), aussi roborative que subtile, continue à tenir l’affiche des restaurants régionalistes et enveloppe de son odeur de port de pêche – identifiable entre toutes – les maisonnées attachées aux traditions culinaires ancestrales.

Un peu d’histoire

Selon une légende convenue, la recette de ce plat hanséatique aurait été rapportée par la soldatesque rouergate de Louis XIV ayant participé à la guerre de Hollande, mais il semble qu’elle aurait été ramenée par les gabarriers1 du Lot et de la Dordogne de leurs voyages dans le golfe de Gascogne. Certains historiens pensent encore que la consommation de stockfisch, poisson séché venu des mers du Nord et dont la technique de préparation remonte au moins au Moyen Âge, se serait répandue en nos régions grâce aux pèlerins de Saint-Jacques de Compostelle…

Toutefois, sous sa forme actuelle, l’estofinado ne peut être antérieur au milieu de XVIIIe siècle, époque où la production de pommes de terre commence à se propager en Rouergue. Il semble donc logique de croire que cette tradition gastronomique prend racine dans le développement de la navigation fluviale entre le bassin houiller rouergat et le grand port aquitain de Bordeaux, lieu d’échanges commerciaux et culturels avec les mers nordiques. Échanges qui s’intensifieront au XIXe siècle avec la révolution industrielle.

A noter que le stockfisch était, originellement, de l’églefin, déshydraté au grand air dans la région de Bergen, en Norvège. Il ne faut pas le confondre avec la morue, salée à bord des morutiers. Après avoir été réhydraté plusieurs jours dans l’eau vive d’un ruisseau, le poisson, dur comme un bâton, d’où son nom, était cuisiné avec force crème, œufs durs et pommes de terre.

A noter que ce plat présente une analogie avec l’estocaficada niçois (voir région Provence-Alpes-Côte-d’Azur), mais uniquement par le fait qu’il utilise du poisson séché.

1 Bateliers à bord de leurs gabarres.

Ingrédients

(pour 6 personnes)

  • 1,2 kg de morue salée
  • 500 g de pommes de terre moyennes
  • 5 gousses d’ail
  • 6 branches de persil
  • 1 bouquet garni (1 branche de thym, 2 feuilles de laurier)
  • 6 œufs
  • 15 cl de crème fraîche épaisse
  • 10 cl d’huile de noix
  • poivre

Procédure

Faire dessaler le poisson de 3 à 6 jours dans une bassine dont on renouvellera l’eau à plusieurs reprises. Le couper en tranches assez épaisses, les déposer dans une casserole d’eau avec le bouquet garni. Porter à ébullition 10 minutes, puis laisser pocher hors feu pendant 20 minutes. Parallèlement, cuire les pommes de terre dans leur peau à l’eau salée 25 minutes environ. Faire durcir 3 œufs et les réserver. Éplucher l’ail et le piler, émincer le persil, et mélanger le tout. Peler les pommes de terre et les écraser à la fourchette. Égoutter et effeuiller le poisson en le débarrassant de ses arêtes et de sa peau. Unir dans une grande casserole, à l’aide d’une spatule, les pommes de terre et le poisson. Faire chauffer l’huile et la crème dans deux casseroles différentes. Battre les œufs restants en omelette et les rajouter dans la grande casserole (posée sur feu très doux) avec le hachis d’ail et de persil. Poivrer, saler éventuellement (mais uniquement après avoir goûté : la morue, même dessalée, est toujours très salée !) et incorporer alternativement la crème et l’huile. Faire chauffer à feu vif un bref instant et servir dans un plat avec les œufs durs écalés et coupés en rondelles.

Auteur F. Zégierman, relecture Keldélice.

A propos du membre

Frédéric Zégierman Valence (26000)

Frédéric Zégierman a consacré sa vie à sillonner l'Hexagone pour aller chercher sur le terrain sa propre vision géo-ethnographique. Il est l'auteur de livres, de dossiers et d'articles pour magazines. Il réalise également des circuits atypiques pour les autocaristes. Le Guide des Pays de France (volumes Nord et Sud, publiés chez Fayard en 1999) est le premier ouvrage a avoir inventorié, étudié et cartographié l'ensemble de ces unités sous leurs divers aspects.

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Les terroirs d'estofinado