Neufchatel (fromage à pâte molle et croûte fleurie) AOC - AOP

Le Neufchâtel est un fromage légèrement salé à croûte fleurie recouverte d'un duvet blanc. Sa pâte lactique est lisse et ferme mais elle reste souple, onctueuse et moelleuse. Ce fromage présente au moins 45 % mais le plus souvent 50% de matière grasse sur sec. Il se présente sous 6 formes différentes : - bonde cylindrique, 4,5 cm de diamètre, 6,5 cm de haut, 100 g; - double bonde, 5,8 cm de diamètre, 8 cm de haut, 200 g, - carré, 6,5 cm de côté, 2,4 cm de haut, 100 g, - briquette, 7 cm de long, 5 cm de large, 3 cm de haut, 100 g, - cœur, 8,5 cm du centre à la pointe, 10 cm d'un arrondi à l'autre, 3,2 cm de haut, 200 g; - gros cœur, 10,5 cm du centre à la pointe, 11 cm d'un arrondi à l'autre, 5 cm de haut, 600 g. Ses caractéristiques gustatives : Encore jeune, le Neufchâtel se caractérise par un équilibre en bouche très frais établi à partir des saveurs acides et salées, des arômes de crème et de lait frais. La pâte est friable sous la langue. En prolongeant l'affinage, la croûte va se couvrir de taches des ferments du rouge, la texture va évoluer et devenir fondante. La fraîcheur va s’estomper pour laisser la place à des arômes plus prononcés, plus animaux.

Le fromage Neufchatel AOC

MODE DE PRODUCTION

La longue période de pâturage est une des principales caractéristiques de l’alimentation des bovins dans la région.
La rareté des températures extrêmes en été permet de disposer de prairies qui ne subissent pas de stress hydrique estival et qui, si elles ne sont pas trop chargées, peuvent être encore exploitées à cette saison. La douceur des températures permet de mettre les animaux à l’herbe très tôt au printemps et très tard en automne. Ainsi, le pâturage n’est, en règle générale, interrompu que pendant quelques mois, d’une période qui va du 15 octobre au 15 avril.
Le Neufchâtel est en cours de modification de sa réglementation relative aux conditions de production du lait. Le lait utilisé pour la fabrication du Neufchâtel doit provenir d’ici 2015 d’un troupeau ou de troupeaux comportant chacun un minimum de 60% de vaches laitières de race Normande. D’autre part des conditions d’alimentation sont en cours de définition. Elles permettront de bien identifier l’alimentation apportée, de conforter l’autonomie fourragère des exploitations, de développer le pâturage (au moins 6 mois) et durant les périodes de distribution d’aliments stockés, de favoriser une alimentation diversifiée à base d’herbe en limitant l’utilisation du maïs et les produits conservés par voie humide.

Surtout connu dans sa région de production, le Neufchâtel est également exporté en Europe, notamment en Grande Bretagne, Belgique, Allemagne, Suisse et Italie mais aussi dans des pays lointains comme le Canada, les USA et le Japon.

MODE D’ELABORATION

Traitement du lait
Le fromage de Neufchâtel est issu d\‘un caillé à dominante lactique. La coagulation est lente et ne nécessite qu’un minimum de présure. Le sérum est éliminé avant le moulage en exerçant une pression sur le caillé. La forme du fromage est donnée en comprimant la pâte dans le moule. L’élaboration du fromage de Neufchâtel s’effectue en longues phases d’une demi à plus d’une journée, au cours desquelles l’éleveur peut vaquer à ces autres activités tandis que les processus d’évolution biochimique se dérouleront lentement.
Le lait, majoritairement cru, est emprésuré avec quelques millilitres de présure aussitôt après la traite chez les producteurs fermiers et dans un délai maximum de 60 heures dans les fromageries. Le caillage est obtenu en 24 heures l’été, 36 heures en hiver. Il est ensuite amené à température plus fraîche, pour un égouttage en deux temps. Le caillé est d\‘abord versé pour qu’il s’égoutte de son lactosérum dans des toiles puis pressé pendant 2 à 6 heures.
Le caillé est ensuite ensemencé de pénicillium candidum (acheté dans le commerce ou plus rarement en émiettant quelques fromages) puis malaxé jusqu’à obtenir une pâte parfaitement homogène et enfin moulé dans les formats traditionnels de cette appellation : le cœur ou la briquette, ou plus rarement la bonde, le carré ou le grand cœur.

L’affinage
Ensuite, vient le temps de l’affinage dans des locaux humides (92 à 98 % d’humidité relative) et frais (12 à 15°C). Les fromages, salés à sec, sont installés sur des claies pour faciliter l\‘écoulement résiduel du sérum. Au bout de 2 jours, la levure Géotrichum candidum apparaît mais sa croissance est ralentie par le sel et, dès le quatrième jour, c\’est le Pénicillium candidum qui recouvre progressivement tout le fromage.
Les fromages peuvent être consommés frais à partir de 10 jours après l’emprésurage mais il est possible de les laisser s’affiner en cave pendant plusieurs semaines, parfois plusieurs mois. Pendant cette période, le Pénicillium consomme l’acide lactique du caillé et le pH de la pâte devient neutre, favorisant l’apparition du ferment du rouge (Brevibacterium Linens).
Les caves des fermes du Pays de Bray dans lesquelles étaient fabriqués les fromages ne sont plus guère utilisées. Elles ont été progressivement remplacées par des locaux plus modernes qui satisfont aux exigences sanitaires. Les matériaux utilisés pour la fabrication ont aussi évolué et les panneaux en plastique ont remplacé la brique. Malgré cette adaptation, les conditions de travail et la maîtrise des températures et de l\’hygiène se sont améliorées.

CONDITIONNEMENT & ETIQUETAGE

La majorité des fromages de Neufchâtel est actuellement vendue en poids de 200 g sous forme de cœur essentiellement. En revanche, les grands cœurs de 600 g ne constituent que des volumes limités (moins de 3%).

HISTORIQUE

Un produit au passé riche
Pour Ghislain Gaudefroy, le neufchâtel est parmi les plus anciens fromages normands et s’apparente aux fromages fabriqués dans le pays de Bray qui sont mentionnés, pour la première fois, dans une charte datant de 1037. Néanmoins, ajoute-t-il, “la fabrication du neufchâtel est restée longtemps discrète dans les chaumières”.
Il faudra attendre 1543-1544 pour que le fromage de Neufchâtel soit cité, pour la première fois, dans les comptes de l’abbaye de Saint-Amand à Rouen. Il y est question d’un “grand fourmage de Neufchâtel”.
Le Pays de Bray est en effet avec le Pays d’Auge, l’une des deux plus anciennes régions de tradition fromagère de Normandie. Jusqu’au XVIIIème siècle, le lait, produit en très faible quantité par des vaches qui restent confinées dans les bois et sur les jachères des cultures, est transformé par les paysans en beurre ou en fromage.
A partir du XVIIIème siècle, les animaux commencent à paître les premiers herbages qui sont peu à peu implantés. L’installation de prairies progresse dans cette région qui constitue (avec le Pays d’Auge et le Bassin d’Isigny) un des plus anciens pôles herbagers de Normandie. De ce fait, la production de lait et avec elle, les fabrications de beurre et de fromage s’accroissent. Les éleveurs du Pays de Bray ont alors su développé un important savoir-faire lié au pâturage.
Petit à petit et pour répondre aux multiples objectifs d’une production de viande et de lait, les éleveurs du Pays de Bray employèrent la race normande, qui se fixe à la fin du XIXéme siècle dans la région. Cette race cumule à la fois des caractéristiques bouchères remarquables et donne un lait riche en matières grasses qui dispose, de par ses caractéristiques protéiques, d’aptitudes exceptionnelles à la fromageabilité.
Les éleveurs brayons différencie dans ce contexte, une technologie fromagère simple, proche de celle des fromages frais, adaptée aux volumes de lait et aux matériels disponibles dans les élevages ainsi qu’à leur rythme de travail.

Une demande sans cesse croissante
Le XIXième siècle sera la grande époque de ce fromage, avec le développement des transports et notamment la création du chemin de fer qui font exploser la demande. Ce fromage, du fait de son acidité et de sa teneur en sel, peut être conservé longtemps et donc se révèle tout à fait apte au transport. Ainsi, on le retrouve sur les marchés parisiens mais aussi en Belgique, en Grande-Bretagne et jusque dans les colonies.
En 1839, Guillaumin le présente en ces termes : " II y a trois sortes de fromages de Neufchâtel : le fromage à la crème, pour lequel on ajoute de la crème au lait doux ; le fromage à tout bien, fait avec le lait naturel sans ajouter ni ôter de crème ; le fromage maigre, fait avec du lait écrémé. Le second est celui de la plus grande consommation ; les fromages à tout bien se conservent près de trois mois, le fromage à la crème se conserve plus longtemps, le fromage maigre se conserve mal."
Les quantités de Neufchâtel vendues aux marchés de Paris sont très importantes. Les “bondons” de Neufchâtel, ainsi appelés car ils avaient la forme d’un gros bouchon, sont vendus frais et Husson, en 1856, indique une consommation parisienne de près de 3 millions de bondons de Neufchâtel / an. Pour faire face à l’augmentation de la demande, certains herbagers achètent les caillés produits par leurs voisins pour les affiner en caves et la production s’industrialise.
A la fin du siècle, c’est la maison Gervais à Ferrières qui devient le véritable spécialiste de ce fromage. J. Morière, dans son travail sur l’industrie fromagère dans le département de la Seine-Inférieure en 1877, évoque toujours le neufchâtel frais ayant la forme d’un petit cylindre “d’environ 8 cm de hauteur sur 5 cm de diamètre”, le fromage double- crème étant fabriqué surtout par la maison Gervais et par son concurrent direct, M. Pommel à Gournay.
Les quantités vendues sont énormes selon Morière : “Pour donner une idée de l’importance de la fabrication de ce genre de fromages [double-crème] chez les deux fabricants que nous venons de citer, il suffira de dire que M. Gervais reçoit chaque jour des fermes qui l’avoisinent le lait de 3000 à 4000 vaches, et que M. Pommel emploie le lait de 1500 vaches, dont 100 sont entretenues sur son exploitation.”

Vers une reconnaissance
En 1936, un décret du 20 octobre définit pour la première fois les tailles et formats des fromages de Neufchâtel. Parmi eux sont mentionnés la “bonde”, la “double bonde” (en cylindre haut), la “briquette” et le “carré”, mais c’est le “cœur”, rare au début du XXième siècle, qui est devenu au début du troisième millénaire, la forme la plus répandue de ce fromage emblématique du pays de Bray.
Après la 2nde guerre mondiale, de nombreux fromages frais ou fleuris qui lui ressemblent sont fabriqués industriellement en grande quantité, en-dehors du Pays de Bray. D’autre part, de nombreux producteurs fermiers de Neufchâtel qui préfèrent livrer leur lait aux laiteries plutôt que de le transformer eux même, abandonnent la production fromagère.
Pour endiguer ce déclin et préserver l’identité du Neufchâtel, les producteurs de Neufchâtel créent en 1957 un Syndicat qui se mobilisera pour lutter contre les usurpations dont fait l’objet ce fromage, notamment celle de 1965, lorsque la délégation américaine de la Fédération Internationale de laiterie demande l’homologation d’un fromage qu’ils nomment Neufchâtel.
Après de longues démarches, les éleveurs du Pays de Bray aboutissent en 1977 à la reconnaissance en A.O.C. du fromage Neufchâtel.

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