Le Comtat Vénaissin

Rhône Alpes, Languedoc Roussillon et Provence Alpes Côte d'Azur

Dentelles de Montmirail
Dentelles de Montmirail - Nath et Fred Michel / Coll. CDT Vaucluse

Ancienne terre pontificale, le Comtat Venaissin étale du Rhône au mont Ventoux jusqu’à la Durance sa marqueterie de parcelles maraîchères allongées, protégées de la furie du mistral par des brise-vents de cyprès et de roseaux (cannisses).

Sur ces sols calcaires alluvionnés parfaitement irrigués se pratique la culture intensive des fruits et des légumes. Les productions sont expédiées depuis les gros marchés de Carpentras, Avignon et Cavaillon. L’habitat du Comtat, très dispersé, se montre d’une densité élevée. Un réseau d’allées bitumées, longeant roubines et filioles, dépassant des champs de lavande, innerve cette plaine que domine la silhouette du Mont Ventoux. Les frontières du Comtat s’établissent sur la plaine comtadine qui se subdivise en cinq grandes plaines secondaires : celles d’Orange, de Carpentras, de l’Isle-sur-la-Sorgue, de Cavaillon et d’Avignon. Ce bassin est parcouru par une série de faibles hauteurs parallèles au bas Rhône (encombré d’îles), d’Orange à Caumont, couvertes de vignes. Béni des dieux, des papes et des hommes, le Comtat n’est en rien une « indigestion » légumière. Sa large palette paysagère, ses sites romantiques, ses joyaux de l’art païen, judaïque et chrétien, ses orgues et ses campaniles, ses manifestations culturelles et ses marchés colorés distillent de chaleureuses sensations.

Si Carpentras en reste la capitale historique, Avignon affirme sa primauté économique et culturelle, tandis qu’*Orange* et Cavaillon jouent un rôle d’équilibre.

Gastronomie

Légumes (tomate, chou, asperge1, courgette, courge, aubergine, blette2, artichaut violet, oignon, cébette, ail dont ail de Piolenc, pomme de terre nouvelle, haricot vert, haricot coco rose, poivron, piment, navet, fenouil… salades dont laitue, batavia, feuille de chêne, scarole, romaine, rougette), champignons (dont truffe noire de Provence, griset du Ventoux) et fruits (melon de Cavaillon, muscat du Ventoux, chasselas, fraise de Carpentras, abricot pomon rosé, figue, coing de Provence… ainsi que poire, pomme, abricot, cerise de la vallée du Rhône et du Val de Durance… olive), poissons des rivières (truite des Sorgues, anguille, petite friture), fromages dont picodon (voir à région Rhône-Alpes), cachat ou fort du Ventoux (voir cachaille), huile d’olive, herbes de Provence, basilic, lavande et ses dérivés, petit épeautre, tilleul de Carpentras3, miel du Ventoux (miel de Provence), confitures.

La table comtadine : salade (chicorée frisée, craquante d’Avignon), daube provençale, daube comtadine, daube avignonnaise, croustade à la viande, caillette provençale, alose à l’étouffée4, friture des rivières, tian de légume, purée d’aubergines, papeton d’aubergine, beignet d’aubergine, fleur de courgette farcie, bohémienne, tomates à la provençale, artichaut à la barigoule, omelette provençale et crespeou, brouillade aux truffes, grisets en persillade ou en omelette. Egalement : tapenade, aïoli, bouillabaise borgne et aigo boulido.

Boulangerie : fougasse.

Pâtisserie : gibassier (pompe à l’huile), fougassette d’Orange (voir fougassette), gâteau de Visan (aux amandes), brassadeau, tartes et tartelettes aux fruits (dont celle aux fraises), gâteau des rois, oreillette.

Friandises : berlingot de Carpentras, chique, nougat blanc et nougat noir, melon confit, pâte de coing, papaline d’Avignon. Egalement : confitures dont confiture de gigérine.

Boissons et spiritueux : eau de source Sainte-Cécile, jus de fruits, pastis (Anis Pernod), vins doux (rasteau et muscat de Beaumes-de-Venise), origan du Comtat, poire prisonnière.

Le mont Ventoux, blanche calotte culminant à 1 912 mètres aux confins des Préalpes du sud, doit son nom au vent, le mistral s’y époumonant avec force. L’ubac, plongeant sur la vallée du Toulourenc, s’oppose au versant méridional, en pente douce, couvert d’arbres jusqu’à 1 600 mètres. Le cèdre du Liban y fait concurrence aux sapins et aux pins. À mesure que l’on grimpe, la température chute et une aridité rocailleuse, enneigée l’hiver, remplace les arbres.

À l’ouest du Ventoux, les Dentelles de Montmirail découpent leur dentition d’arêtes et d’aiguilles calcaires sur le bleu du ciel. Ce petit massif, né de la rencontre des plissements pyrénéo-provençaux et préalpins, oppose lui aussi la végétation méditerranéenne de ses adrets (chênes verts, pins, thym…) à celle, préalpine (chênes pubescents, pins sylvestres), de ses ubacs. A noter également la présence d’abricotiers et de vigne. Au nord des dentelles, le Vaisonnais avec ses collines boisées en pins et ses vignobles fait la transition entre les Baronnies et le Comtat.
L’oppidum protohistorique, la cité romaine et le bourg médiéval font de Vaison-la-Romaine, placée sur les deux rives de l’Ouvèze, un livre d’histoire à ciel ouvert.

La plaine d’Orange s’étend sur cette plaine alluviale, drainée au nord par l’Aigues, bordée par le massif d’Uchaux et les Dentelles de Montmirail. Dans certains secteurs, la monoculture de la vigne a débordé l’arboriculture fruitière.
Lieu de passage depuis l’Antiquité sur la voie d’Agrippa, Orange, charmante cité provençale au pied de la colline Saint-Eutrope, doit sa renommée à son arc de triomphe romain et à son monumental théatre antique, cadre des Chorégies.

La plaine de Carpentras, alluvionnée par l’Ouvèze et ses affluents, forme un hémicycle bordé par les Dentelles de Montmirail, le Ventoux et les monts de Vaucluse. À l’est, les « terrasses du Ventoux », cuvettes couvertes de bois, de vignes et de vergers (cerisiers), parsemées de mas et de cabanons, de villages accrochés à des pitons rocheux, prennent dans un écrin cette plaine maraichère, cloisonnée de peupliers et de cyprès.
Carpentras, capitale du Comtat cinq siècles durant, jusqu’à son rattachement à la France, est une cité pleine de charme, aux toits de tuiles roses, fleurant la Toscane ou l’Ombrie.

Le pays des Sorgues, drainé par le réseau compliqué des Sorgues (avant l’Isle, la Sorgue se partage en deux branches aux ramifications multiples), se consacre aux primeurs. Ses campagnes sont cloisonnées de haies de cyprès. Ses berges romantiques, où verdoient les platanes et les saules, demeurent le royaume des pêcheurs (truites, anguilles, ombles, vairons, écrevisses).
L’Isle-sur-la-Sorgue, la « Venise du Comtat », patrie de René Char, devenue un haut lieu de la brocante et des antiquités, ne conserve plus que quelques roues à aubes moussues de son passé industriel (meunerie, huilerie, teinturerie, soie, papeterie). Non loin se situe le village touristique de Fontaine-de-Vaucluse.

Le pays de Cavaillon, alluvionné par la Durance et le Calavon, étale ses paysages géométriques, cloisonnés de haies de cyprès et de peupliers protégeant du mistral les opulentes cultures maraîchères.
Cavaillon, mollement étalée au pied de la colline Saint-Jacques, est connue autant pour son melon cantaloup que pour sa synagogue, chef-d’oeuvre de l’art comtadin.

L’Avignonnais, aire d’influence de la cité des Papes, déborde du bas Comtat (plaine d’Avignon) rayonnant sur la rive droite du Rhône (Garrigues) et la rive gauche de la Durance (Petite Crau).
Depuis longtemps, Avignon a « sauté » de ses remparts à mâchicoulis, colonisant la plaine maraichère de cités dortoirs en zup industrielles et commerciales. Intra-muros, une douceur de vivre intellectuelle glisse le long des placettes ombragées, des rues étroites, des terrasses de café bondées et des petits restos. Monuments et musées y abondent.

1 Voir asperge de Lauris.

2 Blette, voir à blette de Nice.

3 Appellation ancienne du tilleul des Baronnies (voir région Rhône-Alpes).

4 Plat emblématique de la région avignonnaise… hélas, l’alose a depuis disparu des eaux du Rhône.

Auteur F. Zégierman, relecture Keldélice.

A propos du membre

Frédéric Zégierman Valence (26000)

Frédéric Zégierman a consacré sa vie à sillonner l'Hexagone pour aller chercher sur le terrain sa propre vision géo-ethnographique. Il est l'auteur de livres, de dossiers et d'articles pour magazines. Il réalise également des circuits atypiques pour les autocaristes. Le Guide des Pays de France (volumes Nord et Sud, publiés chez Fayard en 1999) est le premier ouvrage a avoir inventorié, étudié et cartographié l'ensemble de ces unités sous leurs divers aspects.

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