Description
En Alsace, le chou dit « chou à choucroute », destiné à la confection de la célèbre choucroute, concerne plusieurs variétés : la plus répandue est le quintal d’Alsace (ou julienne), un chou blanc à la pomme ovoïde, plate et volumineuse. Les autres sont le brunswick, le krautkaiser, le filderkraut. Tous sont cultivés dans la partie nord de l’Alsace (notamment autour d’Erstein). Dès la mi-juillet, on peut se procurer de la choucroute nouvelle crue.
Cueillie de juillet à novembre, la variété de chou à choucroute utilisée (très lourde, 5 à 7 kilos par pièce) est d’abord débarrassée de sa couronne de feuilles. Le cœur est coupé en fines lanières (les « cheveux d’anges »), mises à dégorger en jarres en terre (ou cuves ciment ou plastique pour l’industrie) avec quelques baies de genièvre et du gros sel. Le tout, pressé et fermé hermétiquement, subit une fermentation lactique de 3 à 8 semaines, à l’issue de laquelle le chou perdra la moitié de son poids. Attendri et légèrement sur, arrosé de vin blanc ou de bière, il mijotera dans du saindoux ou du lard, de la graisse d’oie ou de canard. Certains « choucroutiers » l’additionnent d’un peu de kirsch, ou de pomme râpée pour atténuer l’âcreté de la saumure. D’autres saupoudrent de quelques graines de cumin avant la cuisson pour prévenir les ballonnements. Peu cuite et croquante, ou fondante, voire, confite, presque brune, la choucroute reste une affaire de goût personnel.
La légende impute à des ouvriers chinois de la Grande Muraille la découverte fortuite de la fabrication du chou fermenté. Plus tard, différentes variétés de choux auraient été introduites en Europe, soit par les envahisseurs Mongols et Tartares, soit par de grands voyageurs comme Marco Polo. En Alsace, si le chou a vraisemblablement fait son apparition vers le Ve siècle, il ne sera cuisiné qu’à compter du Moyen Âge. Au XVIe siècle, les allemands reprennent et améliorent la fermentation au sel. Conservé dans la saumure et concentré en vitamines, le chou permet de sustenter les armées en campagne et de préserver les marins du scorbut. La technique se répandit en Alsace qui lui donne ensuite ses lettres de noblesse et son nom au XVIIe ou XVIIIe siècle : surkrut (de l’Alsacien sür « aigre » et de krüt « herbe ») désignant un plat du dimanche, « ancêtre » de la choucroute garnie. Longtemps, chaque famille alsacienne fabriquera sa propre choucroute à l’aide du coupe-choux communal (sorte de rabot à plusieurs lames). Le chou râpé, mis en saumure dans des tonneaux, était le seul légume hivernal.
L’Alsace, région numéro 1 du chou à choucroute (par le passé, elle importait en masse du chou-pommé breton), auréolée d’une IGP (Indication Géographique Protégée), assure une production d’environ 60 000 tonnes (pratiquement les trois-quarts de la production nationale). Toutefois, des variations sensibles apparaissent selon les années (40% de production en moins en 2006, suite à la sécheresse).
Auteur F. Zégierman, relecture Keldélice.
A propos du membre
Frédéric Zégierman
Valence (26000)Frédéric Zégierman a consacré sa vie à sillonner l'Hexagone pour aller chercher sur le terrain sa propre vision géo-ethnographique. Il est l'auteur de livres, de dossiers et d'articles pour magazines. Il réalise également des circuits atypiques pour les autocaristes. Le Guide des Pays de France (volumes Nord et Sud, publiés chez Fayard en 1999) est le premier ouvrage a avoir inventorié, étudié et cartographié l'ensemble de ces unités sous leurs divers aspects.