Livarot (fromage à pâte molle et croute lavée) AOC - AOP

Le Livarot est un fromage à pâte molle, élaboré à partir d’un lait de vaches laitières (race Normande essentiellement) qui pâturent plus de 6 mois par an. Le caillé est présente une forme de cylindre aplati cerclé de laîches (Typha latifolia) ou de lanières de papier. Le Livarot pèse de 450 à 500 grammes. Il contient au minimum 40 grammes de matière grasse pour 100 g de fromages après complète dessiccation. Sa croûte lavée, faiblement poisseuse et légèrement ridée est de couleur jaune paille à rougeâtre. Sa pâte souple, couleur jaune foncé, possède quelques petites ouvertures. Le Livarot est un fromage caractérisé par la puissance et la persistance de ses arômes. Sa pâte, légèrement salée est fondante et possède une puissance aromatique marquée par les notes lactées et animales, les goûts de paille et de foin, soufrés et fumés.

Le fromage Livarot

MODE D’ELABORATION :

Préparation du lait
Il faut 5 litres de lait non encore acidifié et partiellement écrémé pour faire un Livarot. Le lait est le plus souvent thermisé ou pasteurisé mais parfois cru.
Le lait est ensuite ensemencé en ferments lactiques puis le lendemain (jour J), il est emprésuré à environ 35°C avec environ 28 cl de présure pour 100 litres, dans une salle à 26°C.

Fabrication des fromages
La coagulation, obtenue en une vingtaine de minutes, permet d’obtenir un caillé qui est ensuite découpé avec un tranche-caillé jusqu’à l’obtention de grains de la taille d\‘une noisette pour accélérer l’exsudation. Le sérum est partiellement éliminé.
Le caillé est ensuite moulé en multimoules posés sur un store et portés par un plateau qui servira ensuite aux retournements pour faciliter l’égouttage. Les plateaux sont transportés à 17°C pour la phase de levuration puis démoulés entre J + 1 et J + 3. Ils sont ensuite salés par pulvérisation de sel sec ou par immersion en saumure afin de sélectionner les ferments de surface qui se développeront lors de l’affinage.

Affinage des fromages
Les fromages subissent un ressuyage entre 15 et 19°C pendant 1 à 2 jours. Les fromages sont ensuite affinés pendant plusieurs semaines dans des hâloirs maintenus à une température comprise entre 10 et 14°C avec une atmosphère très humide. Pendant cette période, le fromage est lavé plusieurs fois à l’eau salée contenant des ferments du rouge (Brevibacterium linens) et parfois du rocou (issu des graines du fruit du rocouyer (Bixa oleacea) originaire de Guyane).
Au fil des semaines, les ferments du rouge, halophiles, se développent en surface inhibant les levures. Les enzymes vont dégrader la matière grasse, les protéines ou le lactose qu’il contient et produire des composés aromatiques.
Intervient alors le liage. On cercle le Livarot de lanières en papier ou issues d’une plante marécageuse : la massette (Typha latifolia), appelée laîche en pays d’Auge, récoltée en automne. Cette sorte de roseau sera ébouillantée puis découpée dans le sens de la longueur avant d’être appliquées autour du talon du Livarot.
Enfin, les Livarot sont emballés mais la distribution aux consommateurs n’interviendra qu’une à deux semaines plus tard, parfois plus, période durant laquelle l’affinage se poursuit en cave. L’affinage du format de réference dure au total environ 6 semaines.

HISTORIQUE

Un lien fort au territoire
Dès la fin du XVIIème siècle, l’élevage est resté, en Pays d’Auge, marqué par la mixité des productions. Le Livarot, élaboré à partir d’une matière première écrémée, était intimement lié à la fabrication du beurre. De plus pour répondre aux multiples objectifs d’une production de viande et de lait, les éleveurs du Pays d’Auge employèrent la race normande, qui se fixe dès la fin du XIXéme siècle dans la zone. Cette race avait l’avantage de cumuler à la fois des caractéristiques bouchères remarquables et de produire un lait riche en matières grasses avec des aptitudes exceptionnelles à la fromageabilité. Mackiewicz (1983) désigne d’ailleurs le Pays d’Auge comme le berceau de la fromagerie normande.
La notoriété des fromages augerons est attestée par de nombreux écrits (Lorris et Meungt en 1236 ; Bourgueville en 1588 ; Corneille en 1708 ). Le Livarot actuel dérive de ces anciens fromages appelés “angelots” ou “augelots” et la première trace de la dénomination livarot remonte au XVIIème siècle (Pommeureux de la Bretesche, 1693). L’Abbé Marolles le cite parmi les fromages de France les plus renommés.
C’est à cette époque aussi (fin 17ème-début 18ème ) que l’alimentation carnée se développe dans les villes. Les zones du Pays d’Auge, proches des marais de la Dives et de la Touques, se trouvaient bien placées pour répondre à ce nouveau marché. La qualité de la chair de ses bovins, la prédisposition herbagère des sols et du climat et la proximité relative de la capitale permirent un approvisionnement régulier de celle-ci. Les courants commerciaux sur la viande ont aussi favorisé, dans cette région à forte tradition fromagère et beurrière, le développement du marché des fromages. C’est donc à partir de cette époque que s’est développé du nord au sud et de l’ouest à l’est, le “couchage en herbe” du Pays d’Auge qui devint alors une immense fabrique de beurre et de fromage.

Une élaboration peu évoluée depuis
La statistique agricole de 1814 nous offre une description de sa fabrication : “… on écrème le soir le lait de la journée (….). Le lait qui reste dans la poêle est exposé à l’action d’un feu tempéré, on le fait cailler avec la présure, ensuite on le met dans des moules en bois sans fond, plus ou moins profonds, suivant la forme que l’on veut donner au fromage. On pose ces moules sur des nattes de jonc ; dans l’espace de deux jours, le fromage s’est affermi, on le retire du moule, et on le dépose dans une cave à cette destinée, sur du roseau rangé à la main, où il achève de s’égoutter ; ensuite on le place sur des planches dans la cave, où il reste pendant deux ou trois mois. Quand on est pour le vendre, on se sert du rocou pour lui donner cette couleur brique qui le distingue des autres fromages.” Cette fabrication, à peine changée au début du siècle suivant, sera décrite à nouveau par Pouriau et Montéran.
Pourtant, ces deux auteurs précisent que, "après dix jours de cave, les livarots son reliés sur leurs tranches avec des feuilles de laîche (Typha latifolia), puis on laisse l’affinage s’achever. Les gros fromages exigent cinq à six mois de cave, tandis que pour les autres, moins épais, il ne faut que trois ou quatre mois.
Jusqu’à la 2nde guerre mondiale, l’élaboration du Livarot s’effectuait essentiellement à partir de lait écrémé, en 2 lieux et par des personnes différentes. L’emprésurage, le moulage et l’égouttage étaient fait à la ferme tandis que le halage (séchage) et l’affinage se faisaient chez un affineur (caveur ou encaveur). Le salage qui suit l’égouttage pouvait être fait, au choix, dans chacun de ces lieux. Ces Livarots demandaient 3 à 7 mois d’affinage selon leur taille. On comptait à la fin de cette période, environ trois-cent-cinquante producteurs fermiers qui vendaient le fromage en blanc à vingt-trois affineurs (7 dans l’Orne, 16 dans le Calvados). D’un fromage initialement maigre (10 à 15% de matière grasse) mais au goût et à l’odeur prononcés, les professionnels ont redéfini un Livarot qui de 25% de M.G. en 1939 passera à 30% pendant la dernière guerre pour atteindre la teneur actuelle de 40%.

Une renommée tardive
Malgré sa renommée, le Livarot n’était pas au goût de tout le monde. Ainsi, Grimod de la Reynière au début du XIXème siècle, en parle comme d’un fromage passé de mode : “Les fromages de livarot en Normandie, écrit-il en 1805, jouissaient autrefois d’une assez grande réputation : on en voit peu maintenant à Paris.” Ce que reconnaît également un siècle plus tard Francis Marre, entre autres, en donnant quelques conseils d’achat en 1911 : “Tout le monde n’aime pas le Livarot, dont l’odeur est très prononcée, mais il a néanmoins ses partisans enthousiastes. Sa croûte rouge, son pourtour encerclé de liasses de raphia qui le maintiennent pendant qu’il sèche, le font aisément reconnaître. Sa pâte est sèche, parce que fait avec du lait écrémé. N’achetez pas s’il coule ou si sa croûte est rompue en quelque point.”
Mais la vraie force du Livarot (et la preuve que ses partisans étaient bien plus nombreux que ces détracteurs) est démontrée par les statistiques des ventes. En effet, au cours du 19ième siècle avec le développement des marchés locaux et l’avènement du transport ferroviaire, la fabrication fromagère normande connut un développement considérable et continu. Le Livarot est alors le fromage le plus vendu de Normandie. Un dénombrement de 1877 fait état de 4.5 millions de pièces contre seulement 2 millions de camemberts. Cependant, dès la fin du XIXième siècle, le Camembert (plus moderne, plus gras) supplante le Livarot sur les marchés parisiens.
La production de Livarot est donc pénalisée par la diminution continuelle de la production de fromages en blanc des agriculteurs qui préfèrent commercialiser leur lait directement aux fabricants de Camembert.
A partir des années 20, les coopératives beurrières de la Manche valorisent leur lait écrémé en élaborant du Livarot qui ne bénéficie alors d’aucune appellation d’origine pour le protéger. Pour résister, les fabricants augerons décident de fixer une proportion minimale de matières grasses qui progressera jusqu’à 40% (25% en 1938, 30% en 1940). De ce fait les fabrications en dehors du Pays d’Auge régressent. Malgré cela, les affineurs locaux, quant à eux, disparaissent les uns après les autres.
Après la guerre, la fabrication de livarot n’est plus guère qu’une activité marginale à côté de la production de Camembert. Cependant dans les années 70, quelques fromagers demandent et obtiennent la reconnaissance en A.O.C. du Livarot. Ce fromage retrouve alors rapidement un certain succès commercial, passant de 500 tonnes environ en 1975 à 1310 tonnes commercialisées en 2002.

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