Description
Autre appellation : schnaps (terme germanique).
En Alsace, il n’est de bon repas qui ne se termine par un schnaps. Ces eaux-de-vie blanches, passant parmi les meilleures du monde, peuvent se partager en cinq catégories : les eaux-de-vie de fruits, les eaux-de-vie de baies sauvages, les eaux-de-vie de fleurs, les eaux-de-vie de plantes et, enfin, les eaux-de-vie de vins (marcs d’Alsace).
Leur distillation se fait en un ou deux « chauffes » pour titrer entre 40 et 45% d’alcool. Leur rareté, autant que les soins qu’elles réclament pour leur élaboration, expliquent leur prix, souvent prohibitifs aux yeux du profane.
Les eaux-de-vie de fruits (dites « à noyau »), à servir fraîches, dans un verre bien frappé, jouissent d’une grande réputation, avec la première d’entre elles, le kirsch, issu de la cerise ; la poire, elle, souvent « trentenaire » dans sa bouteille, au bouquet puissant et moelleux, restitue les saveurs délicates et subtiles d’un fruit cueilli à point, juteux ; la quetsche (quetsche d’Alsace) rappelle dans son flacon les tartes succulentes et la robe violette pleine de rondeurs que l’on saisit à l’automne sur une branche pour planter ses dents dans la chair sucrée et ferme ; la mirabelle évoque la gaîté des vacances et cette petite prune dorée mouchetée, symbole de la Lorraine voisine, qui s’offre au mois d’août. Il existe encore d’autres eaux-de-vie de fruits : celles au coing, à la noix. La framboise (de culture ou sauvage), pure merveille aromatique qui se consomme « jeune » (pas plus de deux ans d’âge) rapporte le parfum des clairières qui l’ont vu naître, avec ce petit côté frissonnant, presque acide et astringent de sa pulpe. La framboise et la poire rentrent-elles dans les eaux-de-vie de fruits à noyau ?
Les eaux-de-vie de baies sauvages proviennent des forêts de France. Leurs petits fruits charnus, sans noyaux, offrent une palette de saveurs délicates, toutes différentes : mûre (fruit de la ronce évoque la framboise, en plus discret), églantine (cynorhodon ou « gratte-cul », au parfum abricoté), baie de houx (aux notes boisées), baie de sureau (délicieusement râpeuses), baie de sorbier, ou encore nèfle, prunelle etc. Les eaux-de-vie de fleurs, acacia, aspérule, fleurs de sureau, fleur de molène offrent tout autant un parfum subtil.
Parmi les eaux-de-vie de plantes, citons la gentiane, devenue rare, dont on utilise la racine et qui reste une spécialité attachée aux fermiers des hautes montagnes vosgiennes qui l’utilisaient comme pharmacopée (excellant à soulager les douleurs gastriques).
Si la majorité des régions françaises produisent des eaux-de-vie, toutes produisent des eaux-de-vie de vin. L’Alsace, pourtant porteuse d’innombrables vignobles, n’en produit plus guère, à part un peu de marc et presque plus d’eau-de-vie de lie.
Si sa production est presque entièrement tournée aujourd’hui vers des eaux-de-vie de fruits, il n’en fut pas toujours ainsi (voir historique à marcs d’Alsace) puisque leur véritable essor date du retour de l’Alsace à la France en 1918. A partir de cette date, des maisons organisées industriellement et commercialement, purent assurer des produits de qualité constante, inondant alors le marché français de toute la gamme des kirsch, quetsche, mirabelle, framboise, dans des flaconnages attrayants. La distillation à feu nu fut remplacée par la distillation au bain-marie et à la vapeur, avant que de nouvelles méthodes de distillation ne s’imposent.
Auteur F. Zégierman, relecture Keldélice.
A propos du membre
Frédéric Zégierman
Valence (26000)
Frédéric Zégierman a consacré sa vie à sillonner l'Hexagone pour aller chercher sur le terrain sa propre vision géo-ethnographique. Il est l'auteur de livres, de dossiers et d'articles pour magazines. Il réalise également des circuits atypiques pour les autocaristes. Le Guide des Pays de France (volumes Nord et Sud, publiés chez Fayard en 1999) est le premier ouvrage a avoir inventorié, étudié et cartographié l'ensemble de ces unités sous leurs divers aspects.
