Le Cotentin

Péninsule granitique et schisteuse, assaillie par la mer et battue par les vents, marquetée en son centre par le bocage, le Cotentin se distingue profondément du reste de la Normandie. Sa forme le consacre pays le plus maritime de la région, entraînant des hivers doux. De plus, il s’agit d’un fragment du Massif armoricain au contact du Bassin parisien calcaire, et les multiples variations géologiques de son sous-sol y engendrent une mosaïque de milieux physiques, de reliefs : côtes rocheuses élevées, ponctuées de caps, d’anses aux plages de galets ou de sable… franges sableuses, bordées d’herbus (prés-salés), de dunes et de mielles (étroites bandes de terre), interrompues par de havres (estuaires où se jettent de petites rivières)… marais… trame serrée de petites parcelles encloses de haies d’arbres, où se dispersent de gros bourgs, souvent éclatés en hameaux… chemins creux entre des haies, des bois et des landes couronnant les hauteurs… Les cultures légumières et la pomme à cidre complètent une économie basée sur l’élevage des bovins et des ovins pour le lait et la viande.

Plusieurs entités composent cette immense presqu’île (représentant près des trois-quarts du département de la Manche) débutant au nord de la baie du Mont-Saint-Michel et de l’embouchure de la Vire : région de Carentan (où convergent de nombreux cours d’eau, Vire, Taute, Douve et leurs affluents) et Plain, Bocage Saint-Lois, Coutançais, bocage valognais, Val de Saire, presqu’île de La Hague, région cherbourgeoise (voir descriptions ci-après). Ce pays comme une île délivre des paysages évoquant l’Irlande et l’Ecosse qui imprégnèrent l’écrivain Barbey-d’Aurevilly.

Gastronomie

Produits du terroir : viande de bœuf (dont de vache normande) et de veau, viande de mouton et d’agneau, charcuterie (jambon fumé du Cotentin, boudin noir, andouille fumée… graisse normande), volailles fermières (poulet, pintade, canard), gibier, escargots, produits de la mer (coquille Saint-Jacques de Normandie, huître de Normandie, moule de Barfleur et moule de bouchot, goufigue¹, praire, coque, homard du Cotentin², crabe, crevette³ et poissons : congre, bar, sole, lotte, cabillaud, saint-pierre, rouget, maquereau, orphie, hareng…), légumes (dont chou, chou-fleur, navet, céleri-rave, tomate, salade, oignon, carotte de Créances, poireaux dont poireau de Créances et poireau monstrueux de Carentan… rhubarbe) et fruits (pommes de Normandie, poires, dont louise-bonne d’Avranches), beurre et crème d’Isigny, beurre de Valognes, beurre de Sainte-Mère l’Eglise, gros lait⁴, fromages (camembert de Normandie, coutances, bricquebec).

Boulangerie : pain de Cherbourg, pain brié, pain Napoléon, gâche, pain épi de Rouen.

Quasi disparus : pain à la soupe (ou pain à l’eau de mer), échaudés (sous les noms de garot, cônet, cônu ou cimenet).

Condiment : vinaigre de cidre.

Spécialités : soupe de poisson, marmite d’Omonville (poissons, fruits de mer et légumes), sole au cidre, plie au cidre, demoiselles de Cherbourg à la nage, civet de homards au cidre, huîtres chaudes au pommeau, coquille Saint-Jacques à la crème, terrine de Saint-Jacques, moules à la normande, praires farcies, gigot de pré-salé, tripes à la crème de Coutances, boudin aux pommes, tarte de boudin noir aux pommes, soupe normande.

Desserts : tarte normande, feuilleté aux pommes, flan normand, crêpe normande, gâteau fouetté de Saint-Lô, sablés normands, gâche normande et fallue, teurgoule. Egalement : pain perdu à la normande⁵, beurré normand.

Douceurs : confiture de lait, chocolats de Coutances.

Boissons et spiritueux : jus de pomme, jus de poire, cidre de Normandie, pommeau de Normandie, calvados.

¹ Voir à ormeau (région Bretagne).

² Il existe une confrérie du Homard de Barneville-Carteret. Généralités : voir homard (région Bretagne).

³ Voir crevette grise (région Nord-Pas-de-Calais).

⁴ Voir gros lait : (région Bretagne).

⁵ Flambé au pommeau. Voir également pain crotté (région Nord-Pas-de-Calais).

Le Plain (ainsi désigné depuis le Moyen Âge, par opposition au Bocage) forme un plateau limoneux, à l’est du Cotentin, prolongeant le Bessin voisin et ses grandes parcelles agricoles. Au sud s’étend une dépression marécageuse et herbagère (milieu longtemps répulsif), depuis la région de Carentan (dans le Bas-Cotentin), berceau de la race bovine normande, jusqu’à la région de Lessay, sur la côte occidentale.
Carentan est un centre d’industrie laitière et d’élevage des chevaux.

Le bocage de Valognes (ou Bocage) se développe surtout à l’ouest de Valognes, du sud de Cherbourg et du val de Saire à la région de Bricquebec et même au-delà. Mal définie, cette zone correspond à ce que l’on appelait au Moyen Âge le « Bocage », pays de bois au centre de la presqu’île, par opposition au « Plain ». Ce paysage de vallons et de ruisseaux, hérissé d’innombrables haies encadrant des prairies et des cultures (même si les remembrements ont considérablement modifié la « donne » ces dernières décennies) demeure très verdoyant.
Valognes conserve de son faste aristocratique une quarantaine d’hôtels particuliers !

Le Coutançais, au centre-ouest de la presqu’île, consacre essentiellement son bocage à l’élevage bovin pour le lait et la viande (moutons sur le littoral). En dépit des remembrements, les exploitations restent de tailles modestes. Au nord-ouest, la région de Lessay-Créances, séparée par une vaste lande de plusieurs milliers d’hectares (bruyères, ajoncs, pins et cultures y cohabitent), a su tirer profit de ses étendues sableuses, moins favorables à l’élevage, pour développer les cultures maraîchères (carotte, poireau, navet, radis, endive, tomate, chou, chou-fleur, salade…), amendées grâce au varech ramassé sur la côte.
Coutances, étagée sur un mamelon que couronne la cathédrale gothique aux lignes si pures, est la capitale religieuse et judiciaire du Cotentin.

Le Saint-Lois (ou Bocage Saint-Lois), entre la forêt de Cerisy, les marais de Carentan, les collines de Percy et celles traversées par la vallée de la Soulles, forme une région bocagère, doucement vallonnée par une multitude de vallées.
Saint-Lô est une ville administrative (préfecture de la Manche), marchande (foires, marchés) et industrielle qui fut totalement anéantie sous les bombes lors de la dernière guerre.

Le val de Saire, au nord-est du Cotentin et bénéficiant d’une douceur climatique telle qu’elle convient aux palmiers et aux mimosas, alterne prairies, vergers, cultures maraîchères et bois. Cette contrée au charme discret réalise l’équilibre entre la mer et la campagne. Parmi les petits ports de charme, ceux de Barfleur et de Saint-Vaast-la-Hougue.

La presqu’île de La Hague avance une échine granitique au nord-ouest du Cotentin, s’opposant au val de Saire par la rudesse et la sauvagerie de ses paysages auxquels notre époque nucléaire a imposé l’usine de Flamanville et celle de retraitement des déchets de La Hague. Hormis cette « tache » calamiteuse, cette terre de Vikings, de corsaires naufrageurs et de contrebandiers, parcourue de petits chemins, offre des bonheurs inattendus. Ainsi, en certains endroits, la douceur du microclimat permet de trouver palmiers, figuiers et hortensias. La côte, aux falaises abruptes, déchiquetées, couvertes d’ajoncs et fougères, coupées de petites plages de galets ou de sable fin, délivre des vues grandioses.

La région cherbourgeoise s’intercale entre le val de Saire et la presqu’île de La Hague.
Cherbourg, simple sous-préfecture, bien qu’agglomération la plus peuplée de la Manche, très endommagée durant la dernière guerre, joue un rôle économique de premier plan : port de pêche, militaire, de commerce, de plaisance et de trafic passager, de construction navale, d’industrie nucléaire, électronique.