Le pouce-pied

Bretagne

Aucun commentaire Catégorie : Crustacé

Description

Autre appellation : « bec rouge » (à Belle-Île).

Composé d’un pied ou pédoncule, coiffé d’une coquille de cinq pièces articulées, le pouce-pied (ou pousse-pied) est un étrange crustacé, de la famille des anatifes, qui vit en grappes fixé aux rochers.

Le pied qui lui permet de s’accrocher au rocher, musculeux, est couvert d’une peau noirâtre. Lorsque sa coquille s’ouvre, de petites pattes brassent l’eau qui baigne les branchies. En près de deux ans, il atteint une taille commercialisable, de 3 à 15 centimètres de long. Plus il est court et trapu, plus sa chair est charnue.

Sa pêche (nécessitant de s’encorder au pied de falaises inaccessibles, battues par les flots et les vents) n’est ouverte que huit jours par mois et ferme en juillet/août. Une cinquantaine de tonnes de pouces-pieds seraient arrachées aux bas des falaises belliloises chaque année, chiffre minimisé, au vu des prises non déclarées.

A Belle-Île, où il prolifère, faisant vivre une communauté de pêcheurs, le liseré rouge qui borde sa tête lui a valu le surnom de «bec rouge». Ailleurs, sa présence reste très localisée : on en trouve entre l’île d’Yeu et Roscoff, surtout sur les falaises de la presqu’île de Crozon fermant la baie de Douarnenez

Après une courte immersion dans un court-bouillon, le pouce-pied est retiré avant ébullition pour être servi chaud, tiède ou froid, avec une mayonnaise ou en vinaigrette. Certains adoptent la préparation marinière, avec échalote et muscadet. On le trouve aussi sous forme de pâté à tartiner, mêlé de Saint-Pierre, muscadet, cognac et épices. On le trouve aussi en bocaux : au naturel, à décortiquer pour l’apéritif.

L’imagination populaire, qui ignorait que ce crustacé était hermaphrodite et n’avait pas de cœur, l’a paré de vertus amoureuses et de pouvoirs aphrodisiaques du fait de sa forme phallique.

Au Moyen Âge, on prenait ces crustacés pour de oisillons nés d’arbres magiques, nourris aux eaux marines. Cette procréation miraculeuse autorisait à les manger en période de carême. Les Britanniques ont repris cette coutume au point que le pouce-pied porte le nom de «barnacle», dénomination empruntée à l’oie sauvage arctique migrant en Angleterre l’hiver. Ce nom est revenu en France pour désigner le pouce-pied, toujours dénommé «bernache» en certains endroits de Bretagne. Il y a un demi-siècle, les jours de pénurie de poisson, certains se rabattaient sur sa cueillette, partant à bord de chaloupes sardinières, armés de pioches, de piolets pour les détacher. De nos jours, le pouce-pied peine à s’attirer les faveurs de la clientèle française, rebutée par son apparence, au plus grand bonheur des gourmets espagnols (qui s’en régalent en tapas) pour qui les rochers de Galice ne suffisent pas à assurer la consommation et qui doivent se tourner vers la France ou le Maroc.

Auteur F. Zégierman, relecture Keldélice.

A propos du membre

Frédéric Zégierman Valence (26000)

Frédéric Zégierman a consacré sa vie à sillonner l'Hexagone pour aller chercher sur le terrain sa propre vision géo-ethnographique. Il est l'auteur de livres, de dossiers et d'articles pour magazines. Il réalise également des circuits atypiques pour les autocaristes. Le Guide des Pays de France (volumes Nord et Sud, publiés chez Fayard en 1999) est le premier ouvrage a avoir inventorié, étudié et cartographié l'ensemble de ces unités sous leurs divers aspects.

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Les terroirs de pouce-pied