Camembert de Normandie (fromage à pâte molle et croute fleurie) AOC - AOP

Le camembert de Normandie est un fromage à pâte molle et à croûte fleurie élaboré à partir d’un lait cru, produit par des vaches de race Normande essentiellement, qui pâturent plus de 6 mois par an. Il est issu d'un caillé faiblement divisé, moulé en cinq couches successives avec un temps de repos entre chacune et égoutté spontanément. En forme de cylindre plat de 10,5 à 11,5 cm de diamètre et de 3 cm d'épaisseur, il pèse au moins 250 g, présente au moins 115 g d'extrait sec et 45% de matières grasses sur extrait sec. Sa croûte fine est fleurie blanc (Pénicillium candidum) à crème parsemée de pigmentations rouges (Brevibacterium linens), selon le degré d'affinage. Les faces sont planes et le talon est droit. Affiné à cœur, sa pâte est lisse et souple, de couleur ivoire à jaune clair; demi-affiné, il reste un "noyau" blanc central de 2-3 mm, au centre de la pâte.

Camembert de Normandie AOC

MODE DE PRODUCTION

Le lait produit dans la région dispose de spécificités conférées par :
- une grande autonomie fourragère des exploitations,
- le recours important au pâturage (au moins 6 mois par an) favorisé par la douceur du climat,
- la forte disponibilité de pâturages,
- l’utilisation d’animaux de race normande sélectionnés depuis plus d’un siècle dans la région à partir de ses aptitudes fromagères

MODE D’ELABORATION

Préparation du lait
Il faut environ 2.2 litres de lait pour élaborer un camembert. Une partie du lait mis en œuvre est écrémé et ajouté au reste du lait entier afin d’obtenir un taux de matière grasse d’environ 28 g par litre de lait afin d’atteindre le minimum requis de 45% de matière grasse dans l’extrait sec du fromage.
Le lait mature ensuite plusieurs heures autour de 12°C après avoir reçu des ferments lactiques qui favorisent son acidification et du chlorure de calcium qui va aider à la coagulation du caillé. Il est ensuite réchauffé à environ 34°C puis coagulé (avec 18 à 22 ml de présure bovine liquide pour 100 L de lait) dans une salle d’emprésurage dont la température varie entre 28 et 30°C.

Moulage du caillé
Après environ 1 h, le caillé est tranché verticalement et moulé. Le moulage est réalisé soit à la main (cas de 9 ateliers où le caillé est prélevé avec une louche en suivant un chemin hélicoïdal du bord vers le centre) soit à l\‘aide d’un robot (cas de 3 fromageries où le caillé est prélevé pour être déposé dans 20 ou 25 moules simultanément). Dans tous les cas, les blocs de caillé sont prélevés dans la bassine puis déposés sans être brisés dans le moule en 5 dépôts successifs (espacés de 15 à 45 minutes) de caillé par moule.
L’égouttage commence de façon spontanée dans les moules à une température qui décroît jusqu’à 23-24°C. Après plusieurs heures, les moules sont retournés, les fromages sont rabattus (décollés du moule) et reçoivent éventuellement une plaque sur la surface supérieure afin d’exercer une légère pression.

Fabrication des fromages
Le lendemain matin (J+1), les camemberts sont démoulés et pulvérisés sur une face avec du Pénicillium candidum. Ils sont salés par saupoudrage de sel sec à la machine ou à la main puis pulvérisés de Pénicillium candidum sur leur deuxième face. Ils sont ensuite mis à ressuyer, autour de 17°C et 85% d’humidité relative.
Le 3ème jour, ils sont conduits au hâloir, autour de 14°C et 95% d’humidité relative. Ils y resteront deux semaines et sont retournés au bout de 6 jours, ce qui favorise la “pousse” du Pénicillium.
Après un tri suivi de l\’emballage, ils pourront rejoindre directement les circuits de distribution ou être affinés à 6°C et 90% d’humidité relative pendant 3 à 4 semaines. Le Pénicillium meurt peu à peu laissant ainsi la place au Brevibacterium linens de couleur rouge orange.

HISTORIQUE

Une production locale
En 1702, Thomas Corneille écrivait dans son Dictionnaire Universel Géographique et Historique, publié en 1708, “qu’il se tient à Vimoutiers tous les lundis, un gros marché où l’on apporte les excellents fromages du pays de Camembert”. Comme partout à cette époque, les fromages du “païs de …” sont cités en référence à un lieu, à un “pays” ou contrée, mais ils sont rarement décrits. Or, divers autres textes et objets archéologiques démontrent que la fromagerie est courante en Pays d’Auge à l’époque de Corneille.
Les producteurs sont nombreux en ces XVIIIe et XIXe siècles, aussi des noms de localités apparaissent pour les distinguer et pour créer une forme de reconnaissance afin d’en tirer un meilleur prix.
Ces fromages sont fabriqués par les paysans mais ce sont les affineurs qui achètent le fromage “en blanc” et qui l’affinent pour le vendre. A ce moment-là, le “camembert” n’est rien d’autre qu’un de ces fromages locaux, élaboré aux alentours de cette commune du sud du Pays d’Auge.

Un essor incroyable
L’amélioration des moyens de communication et en particulier le développement des transports ferroviaires, permettent la croissance de l’ensemble de la production fromagère augeronne, d’abord du Pont l’Evêque et du Livarot, puis du Camembert. L’année 1855, par l’inauguration de la ligne Paris-Lisieux-Caen, marque l’essor du camembert normand, qui sera alors disponible sur les étals des grandes villes. La diffusion plus large des produits locaux, grâce au train, va permettre une distribution dans des villes plus lointaines. Les marchés s’amplifiant, il faut augmenter les quantités produites pour satisfaire une demande sans cesse croissante.
La collecte du lait est alors organisée dans les fermes les plus éloignées par les plus gros producteurs. Les distances, parfois très longues, entraînent avec elle, une modification profonde du lait qui subit l’influence du temps et de la température. Il s’acidifie sous l’effet des bactéries durant son transport à la fromagerie. Ce lait acide favorise l’apparition de moisissures de surface qui vire au gris-vert puis au bleu, enlevées par le lavage des fromages à l’eau salée.

Une protection devenue indispensable
Suite aux travaux de Pasteur, des flores blanches seront sélectionnées et utilisées sur ce nouveau fromage. Le camembert “moderne” verra donc le jour après de nombreux tâtonnements, vers la fin du XIXème siècle. Le succès commercial qu’il rencontre conduira à une augmentation de la production qui s’étend à l’ensemble du Pays d’Auge au détriment des autres types de fromages et sera la cause de la disparition des affineurs et de la spécialisation laitière des agriculteurs qui n’auront plus la charge d’élaborer des fromages en blanc. Les gros propriétaires, à l’origine de ce changement, deviendront pour une partie d’entre eux, de vrais industriels.
De là, le camembert gagnera d’autres parties de la Normandie puis la Bretagne, le Centre et l’Est de la France. Ainsi, par exemple le marquis de JUCOVILLE, qui avait créé une fromagerie dans le Pays d’Auge en établit une autre sur ses domaines du Bessin. Dès 1870, on le fabrique en Bretagne, puis dans les Pays de Loire. On recense en 1876, un fabricant renommé dans l’Allier.
Le professeur POURIAU, signale en 1888, 6 fromageries fabriquant du camembert en Ille-et-Vilaine …. Il mentionne également de grandes laiteries industrielles des départements du Nord, de l’Eure, des Charentes, etc (BOISARD, 1992)… Dans l’ensemble des régions de Normandie de nombreuses laiteries artisanales voient le jour tandis que les fabrications fermières restent confinées au Pays d’Auge. Quelques familles du Pays d’Auge (BISSON, BUQUET, LEPETIT, SAFFREY….) passeront petit à petit d’un stade artisanal à la construction de sites industriels. La densité des petites fromageries est particulièrement forte dans cette région.

Naissance du Syndicat de défense
Le 20 mars 1909 se constitue, à Lisieux, le Syndicat des Fabricants de Véritable Camembert de Normandie (S.V.C.N.). Ce syndicat entreprendra démarches et procès pour réserver l’utilisation du nom de Camembert aux produits Normands. A partir de 1918, l’essor des fabricants hors Normandie s’accélère.
Pendant la première guerre mondiale, les fromagers se sont efforcés de fournir des camemberts à l’armée française. Le camembert a alors acquis une renommée nationale et la demande s’est accrue brutalement : les normands n’ayant pas pu y répondre, d’autres régions, telles la Bretagne, les Pays de Loire, la Lorraine, les Charentes en profitent. Durant les années 1920-30, l’augmentation de la production se poursuit.
Le 19 juillet 1924, le tribunal de LOCHES déboute le S.V.C.N. « attendu qu’en effet l’initiative de fabrication du fromage originaire de CAMEMBERT remonte au XVIIIe siècle sans que jusqu’au procès actuel aucune intervention judiciaire ait été tentée en vue d’une limitation de cette appellation alors que de toutes parts se généralisait …le «camembert» sous mention de diverses provenances… ». Enfin le 20 janvier 1926, le verdict de la cour d’appel d’Orléans déclare public le nom de “Camembert” et rend seulement obligatoire la mention du lieu de fabrication, « attendu que les fromagers adhérents au S.V.C.N. ont admis eux-mêmes dans ce syndicat des fromagers fabriquant….dans d’autres régions telles que la Vendée, la Loire Inférieure et la Vienne ».
Après la deuxième guerre mondiale, se développent d’abord dans l’est puis sur toute la France, d’importantes unités de fabrication liées à l’essor de la technique de pasteurisation.
Cependant, les productions traditionnelles au lait cru allaient se maintenir en Normandie, ce qui permit en 1983 de reconnaître ces productions en A.O.C.

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